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HOTEL-DIEU DU CREUSOT : Le privé à but lucratif se précise, les personnels n’y croient pas...
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Le directeur général de l’ARS Bourgogne Christophe Lannelongue a échangé avec eux ce mercredi après-midi. La piste privilégiée a ravivé les inquiétudes des personnels, malgré des affirmations réitérées en réponse aux rumeurs. L’avenir de l’Hôtel-Dieu serait pérennisé, mais dans une situation contre laquelle ils s’indignent.
Christophe Lannelongue et son adjointe Virginie Blanchard
« En clair, vous nous bradez au privé à but lucratif ». Après une bonne heure où les positions de l’ARS Bourgogne ont pu être exposées par Christophe Lannelongue (lire notre article), les appréciations des personnels de l’Hôtel-Dieu ont donné le ton du « dialogue » entre l’assistance et le directeur général de l’Agence régionale de santé. Des échanges orientés plus tôt lors de cette rencontre sur la reprise de l’établissement par un groupe privé, que l'ARS Bourgogne préfère considérer comme partenaire. Les salariés s’en méfient toujours même si leur interlocuteur principal ce mercredi a laissé entendre que la reprise se ferait en partie, et non totalement. Les porte-paroles des syndicats FO, CGT, CFDT et CFE-CGC étaient présents pour interpeler Christophe Lannelongue.
« Une mixité entre le privé et le public ? »
Les personnels ont voulu des affirmations, des assurances. « Vous avez vanté les atouts d’un groupe privé. Mais acceptez-vous la mixité entre le privé (commercial) et une partie PSPH (participation au service public hospitalier), tout en continuant à aider financièrement l’établissement dans les mêmes proportions que vous l’avez fait ? », a interrogé Stéphane Fuster (CFDT Santé). Réponse positive de Christophe Lannelongue, ayant confirmé que l’accompagnement de cet hôpital est nécessaire jusqu’au redressement de celui-ci. « Donc deux parties, avec deux directions ? », en a déduit Sylvie Deroche (CGT).
Pour le directeur de l’ARS Bourgogne, il est au contraire logique que la direction et la gestion soit unique. Pour conforter l’option, il a rappelé le contexte : « Les 60 millions d’euros que nous avons donnés sur dix ans aux deux établissements (hôpitaux du Creusot et de Montceau) - une opération que j'aurais moi-même fait si j'avais été là avant -, nous ne les avons plus. Ce qui est essentiel, c’est la survie de votre établissement. Nous pouvons aujourd’hui assurer son équilibre jusqu’au premier semestre 2015, mais nous ne pourrons pas le développer ». Christophe Lannelongue croit alors en un groupe privé pour apporter un nouvel élan à l’offre de soins, pour investir. L'ARS Bourgogne quant à elle préparerait des économies, « des rationalisations dans le fonctionnement de l'Hôtel-Dieu ».
« Ça va fragiliser le service public », pensent les personnels, en parlant d'une dualité voulue en l'occurrence complémentaire, et en pointant par ailleurs des dépassements d’honoraires dans le secteur privé qui rendront la santé élitiste en quelque sorte sur le territoire. Et si « le privé, c’est le développement » pour le directeur de l’ARS ayant assuré que les propositions ne sont pas irrémédiables jusqu’à la signature du contrat de performance, « ce sont surtout des licenciements à prévoir » de l’avis des salariés.
Quid des réseaux établis sur le territoire communautaire tels que l’hospitalisation à domicile ? Là aussi, les divergences de points de vue ont souligné une démarche loin de faire l’unanimité. « Nous sommes actuellement pour la HàD sur une zone de 350 000 habitants. Pour que l’activité reste intéressante, il faut au moins agir sur un rayon de 100 000 habitants. Il y a de quoi faire avec deux HàD ». Délégué FO, Murat Berberoglu est pessimiste sur l’organisation annoncée : « C’est parce que les deux HàD coopère que le réseau fonctionne, et parce que nous travaillons avec les établissements publics qui gravitent autour. Si l’une dépend du public et l’autre du privé, le choix sera vite fait pour la population du territoire ».
Christophe Lannelongue voit la concurrence plutôt comme une possibilité de choix et est convaincu de toute façon que la proximité sera privilégiée par les habitants de la région du Creusot. « Grâce aussi à la confiance que la population a en vos compétences dans ces services », a-t-il adressé à l’assistance. La proposition qu’avait formulée lundi la CGT en conférence de presse, sur la constitution d’un CGS de moyens médicaux entre les quatre établissements sanitaires du Nord Saône-et-Loire, n’a pas été prise en considération.
Aux interrogations sur l'imagerie médicale et la chirurgie, le représentant de l'ARS a annoncé qu'elles vont être traitées et renforcées dans une politique de développement. La téléradiographie est un projet régional à déconcentrer.
« C’est le privé qui décidera »
« J’ai le sentiment que c’est fait. Aujourd’hui, on a le droit d’exiger de savoir à quelle sauce nous allons être mangés. Monsieur le directeur, vous présentez les choses en étant toujours content, mais vraiment pas nous. Les rumeurs et les annonces nous desservent et ne font qu’augmenter les inquiétudes », a alors remarqué une aide-soignante en poste à la maternité. A cette intervention ponctuée d’applaudissements manifestés par toute l’assistance, les réactions de Christophe Lannelongue ont été plus insistantes : « Notre engagement, c’est de tout faire pour limiter les licenciements... Le périmètre d’activités ne sera en tout cas pas touché. Le groupe privé qui viendra ne fermera pas la maternité et nous poserons des contreparties pour le maintien des activités ».
Ceci dit, les salariés demandaient des précisions chiffrées. « Les chiffres, ils seront écrits, noir sur blanc, sur le contrat de performance » selon Christophe Lannelongue, qui entend faire de celui-ci un projet consensuel entre l’ARS Bourgogne et la Fondation Hôtel-Dieu, mais aussi en impliquant des obligations de la part du partenaire privé. Avec quelques explications du directeur général de l’ARS : « Non, nous ne signerons pas le contrat le 17 novembre. Nous vous le présenterons avant, car il doit être un contrat crédible et de développement. Il a évolué c’est vrai, et nous assumons la recherche d’un partenaire privé ». La conciliation des statuts est encore à définir, à éclaircir, pour des personnels qui ne sont pas confiants en cet équilibre public-privé mis en avant. « C’est quand même incroyable, l’ARS va en fait à terme financer les licenciements des personnels. Car c’est le privé à but lucratif qui décidera », ont même été jusqu’à s’indigner des syndicalistes de FO et de la CGT.
En tant que président du Conseil d’administration de la Fondation Hôtel-Dieu, André Billardon a conclu la réunion dans un climat encore tendu, en s’adressant plus particulièrement à Christophe Lannelongue : « Ce que j’ai retenu de très positif, c’est que vous dites que l’Hôtel-Dieu est essentiel par rapport au territoire. Sur les annonces faites et notamment sur la conservation du périmètre d’activités, nous serons dans l’attente des faits. Nous ne pouvions refuser aucune hypothèse quant à l’avenir de l’Hôtel-Dieu, et vous avez bien rencontré Avenir Santé le 25 septembre pour des premiers contacts, mais je rappelle qu’il n’y a aucune exclusivité actée avec tel ou tel groupe privé. La FEHAP (fédération des établissements privés non lucratifs) a été sollicitée par la Fondation. Et j’ai noté comme vous l’avez dit que l’ARS restait ouverte au dialogue, nous n’avons je pense pas fini de nous retrouver ». S’étant exprimé pour l’avenir de la Fondation et en quelque sorte dans l’intérêt des salariés, André Billardon n’a pas non plus été épargné par les critiques lancées.
Si les personnels attendent les prochaines semaines pour se manifester certainement davantage, le privé lucratif revient déjà trop souvent dans les discussions pour eux. « C’est pourtant une question d’avenir », a répété Christophe Lannelongue. Premières réponses posées à la mi-novembre, accompagnées sans doute d’autres interrogations...
Alix BERTHIER